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Jean-François Théry Conseiller d’État honoraire sur Serge Antoine

Journée d’hommage à Serge Antoine le 4 octobre 2006

Je crois que parmi toutes les facettes de l’action de Serge Antoine que la table ronde d’aujourd’hui passe en revue les unes après les autres, l’interaction entre territoire et culture est peut-être celle qui nous conduit le mieux au cœur de sa pensée.
La rencontre de Serge Antoine avec Michel Parent est essentielle pour l’élaboration de cette pensée. Serge le dira lui-même lors du jubilé des 80 ans de Michel Parent, l’homme de l’ICOMOS, l’homme du patrimoine mondial de l’Unesco. Serge disait : « Michel Parent m’a aidé à prendre en compte la dimension territoriale de tous les aspects de la culture », de cette culture en devenir qui constitue, aujourd’hui encore, notre avenir.
Avec Serge Antoine et Michel Parent, j’ai participé à deux laboratoires dans lesquels cette pensée s’est élaborée : les parcs naturels régionaux et le centre d’études sur le futur d’Arc-et-Senans. Quels ont été ces laboratoires ? Quelle est cette pensée que Serge Antoine nous lègue et qui pourrait bien aujourd’hui nous guider et nous faire vivre ? C’est ce que je voudrais essayer de vous dire en quelques mots.
D’abord, les laboratoires. Je n’insisterai pas beaucoup sur les parcs régionaux puisque le président Fuchs vient d’en parler longuement.
Comme il l’a dit, ces parcs sont nés d’une réflexion sur l’urbanisation de la France et la nécessaire articulation entre les besoins d’espace des populations urbaines, et la nécessaire sauvegarde de la nature et de la civilisation rurale. Jean-Baptiste de Vilmorin dit qu’à l’origine des parcs naturels régionaux, il y a une conception de la protection de la nature qui inclut l’homme, et Michel Parent parle d’« écologie culturelle ». La mise en place et la conception des parcs naturels régionaux est un bel exemple de ce que l’on pourrait appeler la politique expérimentale. La méthode est typique de l’action de Serge Antoine, de cette démarche d’utopie qui consiste à laisser en permanence une large place à la création personnelle et à l’initiative des hommes et des groupes de base. Serge écrit :
Le jaillissement des initiatives précède la réflexion d’ensemble. L’expérimentation peut devancer la mise en place d’une architecture.
Je vous renvoie au « petit livre rouge » de la Datar, Partage des pouvoirs, partage des décisions, élaboré en mai 1968.
Comme l’a dit le président Fuchs, la création des parcs naturels régionaux résulte très largement du colloque de Lurs qui est à quelques jours de son quarantième anniversaire. Grâce à Olivier Guichard, Serge Antoine et quelques autres, dont le commandant Beaugé, se sont réunis de nombreuses personnes différentes (géographes, fonctionnaires, sociologues, philosophes, architectes, agriculteurs, élus locaux, universitaires, etc.). Il est intéressant que tout ce beau monde ait vraiment dialogué dans un incroyable climat de liberté et de créativité. Puis, quand avec la substance de ce colloque de Lurs, on a eu fait le décret du 1er mars 1967, chaque parc est né, sous l’impulsion bien sûr de la délégation à l’Aménagement du territoire, mais surtout de l’accord des collectivités locales concernées, de la création d’une charte qui, si nous la regardons avec nos yeux et notre vocabulaire d’aujourd’hui, était une véritable charte de développement durable. Développement durable qui, selon Serge Antoine, est le nouveau nom de l’aménagement du territoire. Il s’agissait, en effet, pour les collectivités locales et les acteurs locaux, en négociation avec la Datar, de faire un choix de développement qui ne soit ni l’urbanisation ni l’industrialisation, mais un équilibre entre le respect du milieu naturel et humain et un développement fondé sur l’accueil des citadins et sur le partage, avec eux, d’une culture.
Troisième élément du laboratoire, les animateurs de parcs ont été, eux aussi, préparés à leurs tâches par une formation itinérante, sans cesse définie avec les stagiaires eux-mêmes, et qui ressemblait assez à ce que l’on a appelé par la suite une « recherche-action ». Il y a quarante ans que cela fonctionne, il y a plus de quarante-cinq parcs. Cela n’a pas été sans difficultés, sans remises en cause, sans transformations et impulsions nouvelles, mais cela vit. Et cela vit tellement bien que le gouvernement, il y a quelques années, a pris les parcs naturels régionaux pour modèles pour créer les pays, nouveaux cadres de développement de l’espace rural.
Le deuxième laboratoire : Arc-et-Senans. André Malraux voyait dans la saline royale d’Arc-et-Senans un des chefs-d’œuvre de l’architecture et il voulait que ce monument, qui est un peu le précurseur de l’architecture industrielle, retrouve une nouvelle vie. La Datar en fut chargée, une fois encore, et cette nouvelle vie naîtra du dialogue de Serge Antoine et de Michel Parent, c’est-à-dire du dialogue de l’aménagement du territoire et de la culture. À travers mille possibles entrevus, deux vocations vont s’affirmer. Arc-et-Senans sera le creuset de réflexions et d’initiatives sur l’organisation de l’espace : l’architecture avec la mise en valeur de l’œuvre de Claude Nicolas Ledoux, l’urbanisme et la prospective qui sont intimement liés. On retrouve ici le goût de Serge Antoine pour l’organisation de l’espace, goût qu’il exprimait aussi en s’occupant de l’association Vauban (il disait que, pour lui, Vauban était surtout un grand précurseur de l’organisation de l’espace.) L’urbanisme et la prospective étaient également privilégiés dans nos axes et c’est le thème de la cité idéale qui en réalise la synthèse. Et quoi d’étonnant à cela ? Utopia est une île et la démarche de Thomas More réside d’abord dans une organisation de l’espace qui exprime une organisation de la société, donc une civilisation et une culture. De la même manière, Arc-et-Senans avait été conçu par Ledoux comme une organisation de l’espace exprimant une organisation sociale, et nulle part, mieux qu’à Arc-et-Senans, on ne ressent cette articulation féconde entre territoire et culture.
La deuxième vocation d’Arc-et-Senans découle de la première, c’est la recherche sur le futur. Tout naturellement, Serge Antoine – qui avec Gérard Weil, ensuite avec Jacques Durand, avait animé le Sésame, système de recherche pour le schéma général d’aménagement de la France – pensait que toute politique d’aménagement devait s’inscrire dans l’avenir et dans la durée. C’était d’ailleurs une opinion commune à la Datar, à l’époque, et Jérôme Monod, dans son livre Transformation d’un pays paru en 1974, écrivait lui aussi :
L’aménagement du territoire a pour vocation d’anticiper sur l’avenir, et de mêler toujours aux critères économiques les aspects sociaux de la vie collective.
Voilà donc ce que je voulais dire très rapidement de ces deux laboratoires auxquels j’avais participé. Et peut-être avec beaucoup de présomption, je vais essayer d’en tirer quelques idées sur l’axe même de la pensée de Serge Antoine.
Serge a forgé une pensée très riche, très diversifiée, aux mille facettes, mais qui me paraît cependant centrée sur une conviction très forte qui est l’alliance des territoires, des cultures et des volontés d’avenir, au service de l’homme et de la liberté.
D’abord, l’alliance du territoire, de la culture et de la civilisation pour le développement. Dans tout ce qu’il a fait pour l’environnement, pour la Méditerranée, pour le développement durable, transparaît l’idée que les actions les plus globales, les plus ambitieuses s’incarnent dans le territoire. Lorsqu’il définit les régions, il qualifie cette création de géographie volontaire, il leur donne pour vocation le développement sous toutes ses formes ; il veut leur confier l’évaluation, l’orientation et l’impulsion du développement, mais nous reviendrons sur ces trois mots.
La région exercera son pouvoir sur la quasi-totalité de la vie économique, culturelle et sociale, sans laquelle il n’y a pas d’aménagement possible car l’aménagement est global ou il n’est pas.
Mais sa conception du développement se fait de plus en plus riche, et il finira par dire que l’aménagement du territoire ce n’est rien d’autre que la base du développement durable. Il dit, sur le développement durable :
Cela signifie faire un peu plus de prospective à long terme, réintégrer des valeurs dans nos systèmes de choix, affirmer des choix sociétaux, réaffirmer la solidarité entre les pays du Nord et les pays du Sud, être très attentif aux transformations géographiques, climatiques et environnementales.
En effet, ainsi défini, le développement durable est ce que Serge a fait toute sa vie.
Un mot encore cependant. Je perçois, en filigrane de toute la pensée, de toute l’action de Serge au service du territoire et des cultures, une aspiration essentielle à la liberté dans la vie personnelle comme dans la société ; liberté des hommes à laquelle il est très attentif, des hommes envers lesquels il est très respectueux, mais aussi libération des initiatives qui anime sa foi dans la décentralisation, dans l’expérimentation et quelque chose que l’on pourrait peut-être appeler « subsidiarité » au vrai sens du terme.`
L’avenir doit être ouvert et non cadenassé à l’avance par des lois ou des accords au sommet.
Le corollaire de cette libération des initiatives est la libération des collectivités, mais aussi des associations, et libération de l’État lui-même qui doit être, dit-il, libéré de la gestion par la décentralisation et qui doit retrouver sa vraie vocation. Tout à l’heure, nous parlions d’État stratège, mais, plus encore que la stratégie, la vraie vocation de l’État c’est l’évaluation, l’orientation, l’impulsion. Et je crois que ce message de liberté, cette volonté de libération est probablement l’essence, la quintessence, du message que Serge nous laisse pour ce XXIe siècle qu’il avait tant voulu préparer. Tant il est vrai, comme disait Jérôme Monod, que rien n’est plus nécessaire que de se préparer à l’imprévu.

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Olivier Lucas Président de l’association des Amis de la vallée de la Bièvre sur Serge Antoine

Journée d’hommage à Serge Antoine le 4 octobre 2006

Je vous invite à reprendre la montgolfière qui était si chère à Serge, et à atterrir dans cette vallée de la Bièvre. Cette association est l’association des Amis de la Bièvre, de la rivière Bièvre et pas seulement de Bièvres, et couvre un territoire assez important qui va des sources de la Bièvre, vers Saint-Quentin-en-Yvelines, jusqu’à Verrières-le-Buisson, là où la Bièvre passe en souterrain.
Serge a largement contribué à créer cette association puisqu’elle est née de la fusion, il y a quarante ans, ce qui en fait une des plus vieilles associations d’environnement d’Île-de-France, de deux associations. Serge dirigeait une association qui avait pour but de créer un espace protégé dans cette région si proche de Paris, et une autre association était née dans la région de Bièvres pour défendre l’environnement contre l’implantation assez massive des usines Citroën au nord de Bièvres. Il est assez intéressant de noter la différence qui est encore bien réelle aujourd’hui entre les associations de défense d’environnement et l’association de Serge qui avait pour but de créer quelque chose. Serge a porté tout au long de sa vie cette différence d’état d’esprit dans les associations d’environnement, et l’a très largement insufflée dans tous les combats locaux et les actions locales de ceux qui se sont investis dans l’environnement.
Je me suis très souvent demandé pourquoi quelqu’un comme Serge Antoine, avec tous ses engagements nationaux et internationaux, s’était autant investi dans une action locale qui, somme toute, sur l’échelle des enjeux, peut paraître d’une dimension inférieure à ses autres engagements. C’était d’ailleurs assez curieux pour moi, président de cette association, d’avoir un secrétaire général comme Serge Antoine. C’était un peu comme si un plaisancier du dimanche avait Éric Tabarly comme équipier ! Mais l’avantage d’avoir ce type de support est qu’on apprend vite beaucoup de choses et donc, nous avons, moi comme tous les militants associatifs, et au-delà tous les acteurs locaux de ce territoire, bénéficié d’une sorte de formation continue permanente qui nous a beaucoup aidés, et qui nous aidera encore beaucoup.
J’ai donc essayé de comprendre cet engagement local, et j’ai pensé que Serge Antoine avait besoin d’implications opérationnelles. Il est assez rare de voir chez quelqu’un cette fusion, dans un même esprit, entre une vision théorique de ce niveau-là et cette implication pratique. Cela ne veut pas dire qu’il faisait tout, sur le plan concret, dans notre association. Il fallait parfois que l’intendance suive, c’est vrai. Il s’intéressait beaucoup à internet, comme on l’a dit, c’est un fait mais c’est quand même Aline qui tapait tous ses courriels. Cela fait partie du personnage, et je pense que de l’idée à l’action, il faisait un pont à sa manière et, en tout cas, il avait ce don extraordinaire d’entraîner les autres dans l’action. C’est donc bien d’implications opérationnelles quand même dont il s’agit.
Je pense qu’en plus, une action locale, comme celle qu’il a menée avec nous, était pour lui une sorte de laboratoire d’idées, d’application de ses idées innovantes de l’environnement. En effet, les idées, même si elles sont théoriques, peuvent rester en friche un certain temps et je pense qu’il avait besoin de voir ce retour sur la population locale, sur les élus, sur les militants associatifs de toutes ses idées sur l’environnement. Il nous a beaucoup parlé d’Agenda 21, et la première fois qu’il en a parlé, nous nous sommes tous regardés en nous demandant ce que c’était. Ce n’est peut-être pas très glorieux de la part de militants associatifs d’environnement, mais pour notre défense, c’était quand même relativement nouveau. Il nous a donc expliqué, et cela nous a permis ensuite d’en parler à certains élus qui d’ailleurs avaient le même regard interrogateur. Il avait besoin de tester toutes ses idées sur le plan local et de les partager, très largement y compris dans des débats publics avec la population. Selon moi, cette fusion entre le haut et le bas de l’échelle de l’implication dans ses convictions est quelque chose d’extrêmement rare, et c’est d’une immense utilité, y compris pour l’avenir de nos actions.
Je ne vais pas vous dresser la liste de ce qu’il a fait dans notre association, ce serait un peu fastidieux. Il a fait énormément de choses, et d’ailleurs, je suis assez surpris de tout ce qu’il a fait pour vous parce que j’avais l’impression qu’il travaillait à plein-temps pour moi ! Il a dû inventer aussi l’ubiquité.
En tout cas, nous avons créé un journal, et nous sommes une association qui édite un journal gratuit à 20 000 exemplaires. Cela n’a l’air de rien, mais nous commençons à challenger certains journaux de la presse nationale. Et surtout, un sujet qui était cher à Serge, c’est le contre-pouvoir de l’information indépendante, libre de toute publicité, de toute subvention, que l’on peut diffuser dans la population. Il a édité beaucoup de choses dont un almanach, une sorte de clin d’œil, un peu pour s’amuser. C’est certes un clin d’œil, mais ce n’est jamais complètement « innocent » car c’est aussi un bon outil pédagogique. Nous avons pu le diffuser dans toute la population, dans les écoles, etc. et il apporte sa contribution dans les mouvements pour l’environnement.
Il s’est aussi impliqué sur des sujets plus importants, et pas seulement à l’échelon local parce qu’ils sont devenus des symboles à l’échelon national voire même international. Je vais les citer.
La réouverture de la Bièvre m’a fasciné quand j’ai participé à cela avec lui. En effet, je me souviendrai toujours du jour où nous avons inauguré la réouverture que quelques centaines de mètres de la Bièvre, à Verrières-le-Buisson. Nous avons vu 150 à 200 personnes (élus, associations, population) s’extasier d’un seul coup devant un petit filet d’eau qui coulait au fond d’une tranchée qui n’était pas tout à fait naturelle d’ailleurs. Il avait bien fallu faire la place à la Bièvre au milieu de l’urbanisation existante. J’ai réalisé brutalement, ce jour-là, l’importance de ce qu’il avait mis dans cette action, le poids du symbole que pouvait représenter, pour tous les gens qui étaient là et ceux qui sont venus ensuite, la renaissance d’une rivière en plein milieu urbain. C’est un symbole qui vaut plus pour l’environnement que bien des discours.
Je prendrai deux autres exemples qui sont directement liés au territoire. Ils me permettront de conclure rapidement sur une des dernières grandes colères de Serge Antoine.
Beaucoup de personnes s’occupent de l’aménagement en Île-de-France. Une proposition, tout à l’heure, était d’encore renforcer la réflexion sur le sujet. Au conseil régional, des personnes s’occupent du SDRIF, l’État y participe aussi avec un jeu d’équilibre assez subtil, un peu trop d’ailleurs selon moi. Il y a aussi le préfet de la région Île-de-France, au nom de l’État, qui a lancé une opération d’intérêt national (OIN) pour aménager une zone que, avec nos associations et Serge Antoine, nous avions pensé pouvoir être un exemple d’équilibre entre les espaces naturels, les espaces agricoles et un certain urbanisme ; non pas un urbanisme zéro et sanctuarisé, parce que vous savez très bien que ce n’était pas du tout l’idée de Serge Antoine, et il a, je pense, largement convaincu chez tous les acteurs locaux que ce n’était pas une bonne idée. Il a réconcilié l’économie, la croissance et le respect de notre environnement ou, au contraire, encore mieux la symbiose représentée par un environnement où on fait venir des chercheurs, où on peut développer des centres de recherche, sans gaspiller l’espace. Une des caractéristiques de l’Île-de-France, dans son aménagement, si vous avez vu les bilans du SDRIF de 1994 par exemple, est quand même un énorme gaspillage d’espace.
Grâce à Serge Antoine, nous avons conduit des actions, avec d’autres associations comme Terre et Cité, où il a – et j’ai compris aujourd’hui que c’était une de ses grandes forces – mis autour de la table des agriculteurs, des associations, des élus locaux. Les associations d’environnement défendent souvent l’agriculture dans notre région, mais sans les agriculteurs, ce qui pose quand même un problème. Par ailleurs, vous savez qu’entre les agriculteurs et les associations d’environnement, ou les partis politiques centrés sur l’environnement, ce n’est pas toujours le grand amour. Il a donc réussi à les réunir et nous avons pu définir, à l’échelle de ce territoire qui est quand même assez exemplaire dans le sud de l’Île-de-France, une politique qui a été valorisée, suivie, défendue par les élus locaux et par une association comme la nôtre.
Il a aussi réussi une grande chose, pas tout seul bien entendu, mais il a instillé l’idée, bousculé les obstacles pour faire classer, dans la région naturelle de la vallée de la Bièvre, la haute vallée de la Bièvre. Pour une région soumise à une pression d’urbanisme considérable, c’est quand même un succès extraordinaire. Il a trouvé à la DIREN, au ministère, avec l’aide de son fameux carnet d’adresses qui va bien me manquer d’ailleurs, toutes les alliances pour faire passer ce décret qui s’est fini en Conseil d’État, et qui a été obtenu à l’arraché avec bien des discussions jusqu’à la dernière heure, jusqu’à la dernière signature.
Je voudrais conclure sur une de ses dernières colères parce que je pense que cette journée d’aujourd’hui doit être tournée vers l’avenir, pour savoir comment nous allons encore pouvoir profiter de ses engagements, de ses leçons. Une de ses dernières colères concerne une certaine inconsistance de l’État. Cela peut paraître un peu contradictoire chez lui, mais vous savez qu’il était un peu iconoclaste, grand serviteur de l’État mais aussi grand râleur contre certaines décisions de l’État. Aujourd’hui, d’un coup de crayon, l’État, pour des raisons affichées qui sont toujours très bonnes (il faut des logements, il faut urbaniser un peu), s’apprête à faire appliquer une solution de facilité qui est d’urbaniser dans les zones qui ne le sont pas. Plutôt que de rénover des centres urbains difficiles à aménager, c’est tellement plus facile de prendre quelques taches vertes dans la région Île-de-France, de passer un coup de bulldozer pour niveler et d’y implanter des centaines de logements.
C’est donc ce que l’on s’apprête à faire avec l’opération d’intérêt national du plateau de Saclay qui est une opération d’urbanisme, voire une opération foncière de la part de l’État puisqu’il met en avant les terrains qu’il y possède déjà. Dans cette région, on s’apprête à remettre en cause l’action antérieure de l’État, celle que Serge Antoine a défendue : le classement de la vallée de la Bièvre par exemple, la protection et la persistance difficile d’une agriculture périurbaine qui a pourtant bien des qualités dans les partages qu’elle peut avoir avec les citadins locaux. On s’apprête donc à fouler au pied toutes les valeurs et les idées de Serge Antoine dans cette région.
Évidemment, une association comme celle que je dirige ne va pas rester sans réagir, mais si vous me le permettez, je ferais quand même appel à vous, à son carnet d’adresses puisque certains d’entre vous y figurent certainement, pour nous aider, non pas à tout rejeter en bloc, parce que dans ces idées d’OIN, il y a aussi la valorisation de la recherche en Île-de-France, des idées tout à fait louables et positives, mais pour lutter contre ce gaspillage d’espace nouveau qui se prépare malgré les enseignements, malgré les leçons qu’on aurait dû tirer, un énorme gaspillage d’espace et un énorme coup de canif dans l’équilibre que Serge et nous avions aidé à défendre dans la région.

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Bettina Laville Conseiller d’État sur Serge Antoine

Journée d’hommage à Serge Antoine le 4 octobre 2006

Je vais commencer par une anecdote qui date de 1978. Je sortais d’une école assez vilipendée pour que je ne la nomme pas, et ma première réunion, au titre du ministère de l’Éducation, visait à être tancée par la Datar. J’arrivais donc un peu tremblante et j’ai été reçue par trois personnes : Serge Antoine, Bernard Latarget et Jean-Pierre Duport. Il s’agissait de monter toutes sortes d’actions entre l’Aménagement du territoire et l’Environnement et seul, un peu comme d’habitude, le ministère de l’Éducation renâclait et j’avais hérité du dossier. Je me suis un peu défendue, mais en fait, j’étais tout à fait d’accord avec eux, j’avais déjà compris que l’Éducation nationale ne se remuait pas assez pour l’environnement et j’ai fini par craquer – j’étais très jeune après, on ne craque plus – en disant : « Vous avez raison, je suis d’accord. » Tous les trois ont éclaté de rire, Serge m’a reconduite à la porte et m’a dit : « C’est dur les débuts dans l’administration », et je lui ai confié : « Oui, c’est très dur. Je me demande même si je vais rester. » Il m’a dit : « Vous savez, finalement, dans l’administration, on surmonte tous les obstacles quand on a une passion. » J’hésitais beaucoup, pendant deux ou trois mois, mais cela m’a fait rester. Je crois que c’est le message le plus extraordinaire que l’on peut donner à un très jeune administrateur qui s’interroge, c’est aussi un message de passion sur la fonction publique.
Un peu étonnée qu’on m’ait donné cette partie « territoire », mais très contente de la partager avec vous, j’ai donc décidé de vous parler de Serge dans ce territoire qu’est l’administration française. Finalement, c’est un peu autour de ce parcours administratif que j’ai le mieux connu Serge avant d’avoir eu l’honneur, avec mesdames Veil et Bouchardeau, de lui demander de présider ce que nous venions de fonder, c’est-à-dire le Comité 21.
D’abord, j’ai essayé de réfléchir en me disant que Serge était « territoire », et je ne reviendrai pas sur tous les témoignages précédents, mais pour symboliser un peu ce qu’étaient les territoires pour Serge, je dirais trois choses.
Serge, ne nous y trompons pas, occupait le territoire, mais il l’occupait quand il y avait un vide et qu’il considérait, avec sa culture, son humanité, sa connaissance de ce pays, de son territoire, de son aménagement du territoire, et sa connaissance du monde, qu’on ne s’occupait pas assez du problème X du moment. Et le problème X du moment devenait sa passion !… Je trouve que c’est un trait de caractère très particulier et très extraordinaire.
Tellement de gens envahissent leur propre territoire ou, même dans l’administration, envahissent le territoire des autres… mais lui, il occupait le sien et occupait des territoires qui étaient en jachère. Il avait horreur de la jachère, alors qu’il considérait qu’à un moment donné, le territoire en question devait être cultivé et que finalement, la création humaine, administrative, juridique, devait l’envahir pour en faire quelque chose, pour en faire un véritable sujet pour améliorer le sort des gens, de ce pays et de l’environnement. Jamais il n’envahissait le territoire car il était extrêmement respectueux du fait que c’était véritablement le peuple, les gens de la base, les associations, l’ensemble des acteurs qui, en fait, construisaient ce territoire et que nous, hauts fonctionnaires, devions être simplement des facilitateurs. C’est pour cela que jamais il n’envahissait un territoire lorsqu’il s’en occupait, mais qu’il était toujours respectueux de la parole des autres, du mot des autres et parfois, des sourires ou des chagrins des autres. En effet, je crois qu’il faut aussi se souvenir de sa grande humanité.
Et puis, encore plus étrange, dans ce monde étrange qu’est l’administration, il quittait les territoires quand il pensait qu’il avait transmis, quand il pensait que d’autres pouvaient faire aussi bien que lui. Et comme il était modeste, avec humour quand même, il disait très souvent : « Mieux que moi. » Nous pensons tous que ce n’est pas mieux que lui, mais il nous a transmis à nous tous beaucoup de choses parce qu’il avait fait, il avait joué son rôle, il avait construit et il pensait qu’il fallait que d’autres continuent à construire.
Voilà ce que j’aurais à dire sur les territoires, mais je voudrais, sur le territoire administratif, insister sur le fait que Serge a été un très grand administrateur de mission. L’administration de mission est un terme qui se perd. À cette époque où les Premiers ministres, quand ils sont énarques s’excusent de l’être, et quand ils ne le sont pas en font une gloire, on peut parfaitement considérer que l’administration est critiquée, souvent vilipendée, et parfois paraît très éloignée des gens malgré les efforts de proximité que l’ensemble des responsables administratifs pratiquent. Le problème c’est que l’on a oublié cette conception, rappelée par Jérôme Monod ce matin, de l’administration de mission, et là aussi, on rejoint le territoire. Quand il y a un vide dans l’action publique, il faut le remplir. Et c’est vrai que Serge a été véritablement ce formidable administrateur de mission ; à la Datar d’abord, cela a été rappelé par beaucoup, notamment par Jean-François Théry, au ministère de l’Environnement qui était au début administration de mission et qui, parfois, le reste encore.
C’est vrai que, de temps en temps, l’administration de mission produit ce que vous avez appelé du « droit gazeux » et comme la Présidente de la section des travaux publics du Conseil d’État est dans la salle, je ne ferai évidemment pas l’éloge du droit gazeux – bien que je m’y étais préparée – parce que je risquerai d’être tancée ensuite. Mais quand même, le droit gazeux permet parfois de mettre un peu d’esprit dans des textes sévères, et également un peu de novation dans des institutions qui sont souvent, sur nos sujets de développement durable, difficiles à appréhender sur le plan juridique, un peu « passion ».
Quand je pense à Serge, je pense souvent à ce vers : « Les nuages, les nuages, les merveilleux nuages », mais il ne faut pas croire que Serge était un rêveur, il était un homme d’utopie au sens le plus noble du terme. Il avait les pieds dans la réalité, la tête dans les nuages et le cœur à côté des êtres, de ceux qu’il estimait, de ceux qui lui étaient chers. C’est une de ses grandes qualités. En tout cas, il a illustré cette administration de mission de manière que je me permets de trouver totalement pleine d’enseignements pour les jeunes. Dans cet hommage, j’aperçois quelques jeunes, il faudrait qu’il y en ait plus parce que c’est évidemment cette grande leçon qu’il a à transmettre : l’administration est une mission qui honore complètement ceux qui la pratiquent, à condition, pensait-il, qu’elle ne soit pas paralysée par beaucoup de lourdeurs.
Serge, dans les nombreux territoires qu’il a investis, était un militant. Je l’ai vécu personnellement quand j’ai lancé le festival du film. Serge Antoine était de tous les festivals du film, pourtant j’étais une jeune militante inconnue à l’époque, mais cela l’intéressait. Je crois que le grand principe de Serge est que quand cela l’intéressait, il venait et ne se demandait pas à quel titre il venait.
Pour ma part, je l’ai connu dans les années 1980, il était proche de toutes les personnes qui avaient dirigé la France au cours des quinze dernières années. Il n’empêche qu’il a fait un compagnonnage extrêmement fructueux et riche avec Michel Crépeau, Huguette Bouchardeau, Brice Lalonde. Soyons francs, nous nous sommes beaucoup interrogés sur ses opinions politiques. Combien de fois ai-je entendu : « Mais finalement, Serge est-il de droite ou de gauche ? » Je ne crois pas qu’il était apolitique, mais peut-être savez-vous ce qu’il était ? Moi, je ne le sais pas, et je n’ai jamais voulu le savoir. Je ne pense pas qu’il était apolitique, mais il était quelque chose qui se perd aussi et qu’il faudrait largement réhabiliter, il était « asectaire ». Je crois qu’il s’en enorgueillissait et qu’il faudrait suivre cette leçon.
Pour finir, deux ou trois anecdotes, notamment des souvenirs personnels.
J’étais directeur de cabinet de la Francophonie. Là, c’est la manière de Serge de servir l’État. En effet, il se dit : « Il y a une grande cause et il y a une copine. » Il appelle la copine et lance la conférence de Tunis sur la francophonie et l’environnement. S’il y a eu, deux ou trois ans auparavant, à Marrakech un sommet des chefs d’État francophones qui s’est occupé d’environnement et de développement durable, c’est à cause de l’idée de Serge sur la conférence de Tunis.
Ensuite, sur la préparation de la conférence de Rio, je ne rappellerai pas le rôle éminent qu’il y a joué. Mais j’ai retrouvé un petit papier qu’il m’avait envoyé quand j’étais à Matignon au moment de Rio, je vous le lis parce que c’est tout Serge : « Bettina, ça va mal. Il faut alerter le président de la République. Les pays du Sud n’acceptent pas de reconnaître les méfaits de notre mode de civilisation, ça va capoter là-dessus. » Après, il me décrivait le point des négociations, et il terminait par cette phrase que je trouve superbe : « C’est normal. Comment a-t-on pu croire un instant qu’on ferait célébrer la pauvreté par les pauvres ? »
Un autre souvenir avant de terminer. C’était au retour de Rio et là, immédiatement, il se remet à l’ouvrage. Il fait, avec Martine Barrère, cet ouvrage tout à fait passionnant, la Terre entre nos mains, qui a été véritablement l’acte qui a complètement diffusé, en France, les résultats de la conférence de Rio. J’avais l’impression, à cette époque, qu’il avait une certaine hâte à ancrer les résultats de Rio dans notre pays si réticent au développement durable et qui, dans ces années-là, a pris quelque retard avant de reconnaître le concept. Cela a été considérable, et Serge est le plus grand acteur du post-Rio. Il a complètement animé ces cinq années, si bien que lorsque les trois associations se sont réunies pour devenir le Comité 21, Simone Veil et moi principalement, madame Bouchardeau étant déjà retirée de la présidence de son association, sommes tombées immédiatement d’accord pour lui offrir la présidence du Comité 21 qui avait eu deux patrons, couple improbable mais réel, Michel Barnier et Ségolène Royal.
Pour conclure sur les territoires, Serge a été le ministère de l’Environnement. Il faudrait dire à madame Olin et à ses prédécesseurs, et il faudra dire à ses successeurs, que lorsqu’ils prennent le ministère, ils sont un peu chez Serge Antoine. Je me permets de lancer l’idée qu’il faudrait peut-être matérialiser, d’une manière ou d’une autre, le fait qu’il a habité, au sens spirituel du terme, ce ministère.
Serge était un savant au sens d’Edgar Morin et ce qui m’a toujours fascinée c’est à quel point ce savoir ne l’entravait pas ; mais au contraire, il démultipliait avec une grande facilité ce savoir dans ce monde si complexe. Parfois, la complexité du monde nous inhibe mais lui, avec son optimisme naturel, cela le faisait avancer dans toutes sortes de directions où il ne se perdait pas.
Il m’a souvent fait penser à ce que la littérature allemande appelle un Wanderer, c’est-à-dire quelqu’un qui, à la fois, se promène, chemine et avance. Ce mot ne peut se traduire en français, mais ce Wanderer qui hante toute la littérature allemande, d’Hermann Hesse à Rilke, et à beaucoup d’autres, c’est celui qui, comme les artistes du Moyen Âge, marche et apprend sur lui-même, et apprend aux autres en marchant.
Quand on a comme cela l’art du voyage sans jamais s’arrêter, c’est qu’on a, au fond de soi, un immense équilibre. Je pense que sa famille lui procurait cet équilibre et il faut saluer ici cette famille qui lui a permis de faire tant de choses, en particulier Aline. Exactement comme les gens qui cheminent en semant des graines dont, parfois, nous ne sommes pas toujours tout à fait conscients, il faut dire qu’il ne s’arrête jamais, et ce que nous pouvons souhaiter c’est que le territoire de Serge continue de s’étendre.

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Thierry Chambolle Ancien conseiller du président du groupe Suez pour le développement durable sur Serge Antoine

Journée d’hommage à Serge Antoine le 4 octobre 2006

J’ai rencontré Serge Antoine virtuellement, pour la première fois, en 1975 quand je suis entré à la Datar. En effet, il n’y était plus, mais notre premier séminaire s’était passé à Arc-et-Senans et la maison Datar était encore toute pleine de ses idées.
Peu de temps après, je suis entré au cabinet de Michel d’Ornano, au ministère de l’Environnement, à l’époque ministère de la Culture et de l’Environnement, et c’est là que je l’ai rencontré et que nous avons commencé à travailler ensemble, chargés d’une tâche un peu bizarre : la préparation d’une charte de la qualité de la vie. D’ailleurs, Jean-François Saglio me disait : « Comment quelqu’un de sérieux comme toi peut travailler sur un document aussi gazeux ? » Heureusement, Serge Antoine était là et nous avons pu travailler ensemble sur ce sujet. Nous avions préparé un grand nombre de mesures dont certaines ont été appliquées et, grâce à lui, nous avions prévu deux mesures qui, naturellement, n’ont pas été retenues par le gouvernement. La première était d’autoriser les radios libres, elles ne l’étaient pas à cette époque et le sont devenues depuis, mais c’était une proposition qui figurait grâce à lui dans notre document. La deuxième proposition, peut-être un peu plus farfelue bien qu’elle commence à se réaliser, était de prévoir des vestiaires dans les entreprises pour que les gens puissent venir à vélo et se changer après leur trajet. J’entendais encore, tout récemment sur France Inter, un certain nombre de déclarations sur ce sujet.
C’était une période joyeuse pour lui, comme pour nous. C’était en 1977, nous avions appris par une indiscrétion qu’il avait cinquante ans à ce moment-là, nous avions acheté un gros gâteau d’anniversaire pour le partager avec lui dans l’hôtel de Sully, pendant la préparation de cette charte. C’est vraiment un souvenir qui reste.
Au ministère de l’Environnement, c’était un très bon camarade, un très bon ami pour tout le monde parce que, comme l’a très bien dit Bettina Laville, au fond, il ne guignait le poste de personne. Il était persuadé, de toute façon, que l’exercice de l’autorité et de la gestion, à un certain degré, était l’ennemi mortel de l’innovation et de l’imagination. Par conséquent, ce n’était pas vraiment sa tasse de thé et donc, les relations avec lui étaient sans aucune ambiguïté, sans difficulté.
Je voudrais apporter deux témoignages parce que, parmi les gens qui travaillaient dans cette direction de la prévention des pollutions et qui avaient un rapport avec lui, il y avait Jacqueline Aloisi de Larderel. Elle m’a envoyé un long courriel pour me dire combien, étant aux États-Unis, elle était désolée de ne pas pouvoir participer à cette journée et elle me chargeait de vous transmettre toute l’affection qu’elle avait pour lui. J’ai reçu un autre courriel de quelqu’un que vous connaissez peut-être moins, qui s’appelle Jean-François David. Il avait échangé une correspondance avec Serge Antoine qui lui avait renvoyé un petit mot sur lequel il avait écrit :
Les droits de l’homme sont de même nature que l’environnement, bien fragiles.
Cela représente bien sa pensée, il n’a jamais essayé d’opposer l’homme et l’environnement, et a toujours regardé cela comme un ensemble. Les droits de l’homme et l’environnement, c’était pour lui un peu le même combat.
Au fond, à force de fréquenter les hommes politiques, il aurait pu s’en lasser et il aurait même pu penser qu’on ne pouvait rien attendre d’eux. Cela n’a jamais été le cas et, quels que soient ces hommes politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche, il les a toujours interpellés démocratiquement, il a toujours manifesté vis-à-vis d’eux une impertinence ou une exigence démocratique. Même si je reste persuadé qu’à la maison ou en lui-même, il bougonnait contre pas mal de gens, notamment d’hommes politiques, il avait un respect démocratique pour eux. Pour ma part, c’est le souvenir que je garde de lui, de ces années que nous avons passées à travailler ensemble.
Comme nous avons révélé ce matin son amour pour la poésie, amour que je partage, je lui dédis ce vers d’Hölderlin : « Il faut habiter poétiquement la Terre. » Selon moi, c’est ce qu’il a voulu faire.

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« Vers un écohabitat ? » Écologie et habitat sont-ils antinomiques ?

Auteur : Serge Antoine
Source : Courrier de la normalisation N° 263  1978

Serge Antoine, qui a été l’un des propagateurs de la notion d’environnement (rapport Louis Armand 1970, création du ministère de la Protection de la nature et de l’Environnement) et qui est maintenant responsable des recherches au ministère de l’Environnement et du Cadre de vie répond à cette question.

Les jeux de mots ne sont pas toujours le fruit d’un divertissement et les innovations de langage ne répondent pas toujours à la nécessité de baptiser un nouvel objet. Accoler le préfixe « éco » à « développement » ou à « habitat » (et depuis 10 ans, il y a eu de nombreux attelages de ce genre) ne signifie pas créer un type ou une catégorie spécifique. Plutôt que de désigner une réalité, il s’agit de tendre vers un objectif. Le langage, en ce sens, est une conquête sociale.
Qu’il soit donc entendu que la vertu du mot « écohabitat » n’est pas de donner, dans l’absolu, la définition d’une certaine forme d’habitat ; c’est une base de discussion, un simple outil de travail qui doit permettre d’ouvrir des voies plus écologiques à la réalisation et à la gestion de l’habitat humain. Il est, d’ailleurs, plus juste de parler de valeur ajoutée que d’absolu : la qualité et l’environnement ne sont pas des absolus mais des valeurs à « internaliser ». Le pot d’échappement surajouté ne supprime pas la nécessité d’un moteur propre, bien conçu et bien réalisé.
Faut-il d’ailleurs dire « ouvrir des voies » ? Ne vaudrait-il pas mieux dire « retrouver » des voies plus écologiques ? Car, après des millénaires, la divergence, d’ailleurs non consommée, entre le bâti et la vie ne remonte guère qu’à un siècle et demi. Cette divergence a plusieurs explications : la poussée démographique, tout d’abord, et le facteur quantitatif qu’elle représente ; la diminution du rôle joué par la terre agricole et par l’alimentation, notamment dans le choix des sites ; « élargissement » considérable de la gamme des matériaux, et surtout des matériaux artificiels ; la crise des mentalités rurales dans une société qui a rompu ses amarres avec la terre, et, bien souvent, il faut le reconnaître, avec le biologique lui-même ; enfin l’élévation du niveau de vie individuel et collectif.
L’habitat est, aujourd’hui, largement considéré comme coupé de la nature et des équilibres écologiques (il s’agit ici de l’habitat au sens le plus large, celui de la Conférence de Vancouver en 1976, qui le définit, au-delà de la coquille-abri, comme une fonction et, plus encore, comme une manière de vivre dans les « établissements humains »). Les nombreux sondages, en particulier celui préparé par l’IFOP pour la Conférence nationale d’aménagement du territoire, montrent amplement cette dissociation dans les mentalités : on oppose le minéral au végétal, la ville à la campagne, le béton à l’arbre. Même s’il est objectivement inexact de dissocier le cadre bâti et l’écologie (il y a 25 ans, avec une équipe de sociologie urbaine autour de M. Chombart de Lauwe, nous écrivions un ouvrage d’écologie urbaine sur les rapports entre une population et son cadre de vie), il faut bien reconnaître que les tendances et les comportements poussent encore, aujourd’hui, à la rupture.
Quelles sont alors les raisons qui peuvent amener un renversement d’attitude et un comportement plus « doux », plus patrimonial, de la part des responsables du cadre bâti ?
La renaissance du mythe de la nature est un premier pas. Mais il n’est pas suffisant. Entendue de la manière la plus superficielle, elle peut conduire à vouloir fleurir la peau des immeubles. Le souci reste trop souvent visuel et correspond alors au goût ambigu pour la fermette « naturelle ». Mais heureusement se multiplient des exemples réussis d’une architecture mieux intégrée dans son environnement.
Plus en profondeur, on relève un souci accru au niveau du management – on devrait dire du ménagement – de la maison, de la ville ou des styles de vie urbains : citons des réunions comme les Rencontres écologiques de Dijon, des ouvrages comme ceux qui traitent de l’anti-gaspillage, ou de nombreuses idées de la jeune génération. Est-ce une attitude de prévoyance devant les risques de crise, la peur du surlendemain, ou une réaction affective devant les paysages de plus en plus « mités » (le mot commence à être utilisé dans les circulaires officielles) ? « L’architecture de survie » telle que la décrit Yona Friedman, est-elle une contrainte ou un choix ?
Avant de construire
C’est au moment de la création qu’il faut d’abord accorder une plus grande attention à l’écologie. Le réflexe est très perceptible dans les sociétés pauvres, qui localisent leur maison sur les terres ingrates ou les parties les moins cultivables.
Dans nos sociétés, cette attitude est plus complexe, mais elle est de même nature : il peut, d’abord, s’agir de la stratégie géographique d’aménagement du territoire. Pour employer les termes de Robert Poujade, un aménagement « fin » du territoire – c’est-à-dire une complicité entre la géographie volontaire et l’écologie – peut conduire à orienter l’urbanisation vers les régions et les zones où les risques sont moins grands de porter atteinte aux richesses naturelles ou aux potentialités agricoles. C’est le cas du littoral, où la pression est particulièrement forte et le désir d’avoir « les pieds dans l’eau » bien grand ; la protection des espaces fragiles a bien du mal à se faire entendre en Languedoc ou en Aquitaine, dans une société pressée qui ose dire que les paysages traditionnels ne sont d’aucune valeur. Donner toute sa force à la carte des zones faibles ou « fragiles » est une attitude qui sera payante pour la collectivité. C’est dans cet esprit, par exemple, que la Tunisie envisage de dresser la carte des zones de richesses naturelles de son littoral avant même de disposer d’un schéma d’aménagement d’ensemble.
La stratégie douce de l’aménagement du territoire peut ainsi conduire à desserrer les pressions qui s’exercent sur des terres agricoles, des territoires convoités ou les paysages menacés. La création des parcs nationaux ou régionaux, qui couvrent aujourd’hui 6 % du territoire français, est un moyen au service de cette orientation.
Il peut y avoir d’autres composantes de cet aménagement d’un nouveau style, qui amène, notamment, à préférer une urbanisation en grappe plutôt que de voir se renforcer des concentrations dont le gigantisme échappe bientôt à toute maîtrise. La politique des villes moyennes correspond à ce souci, de même que celle qui vise, depuis 20 ans, à mettre un frein à l’expansion indéfinie de la région parisienne ; mais dans le monde, l’exemple de Singapour, de Mexico, du Caire ou de São Paulo montre qu’il ne sera pas facile de brider la croissance des « mégalopoles » qui, dans un siècle, auront dépassé 10 millions d’habitants, voire 30 ou 40 millions.
Une politique in situ
Une politique plus écologique de l’habitat doit ensuite tenir compte davantage de… son environnement. Cela représente un effort, tant il est vrai que l’homme moderne peut, de plus en plus s’affranchir des contraintes du site, qu’il s’agisse du climat, des matériaux ou du style de vie. Mais est-ce bien son intérêt ?
Le discours d’Athènes de Le Corbusier, en 1933, qui mettait en vedette la « substitution du climat des hommes au climat de Dieu », donne à réfléchir. Est-il bien sûr que la voie la plus raisonnable consiste à éliminer tous les paramètres inattendus ou non programmés, au risque de retrouver, en fin de compte, les grandes fonctions de l’homme moyen, et de renforcer de manière artificielle l’unité, il est vrai bien présente, de la nature humaine ? La tendance au stéréotype provoque le déracinement et la délocalisation. Elle pousse aussi au centralisme.
Ce n’est pas par hasard si, aujourd’hui, le recours à l’énergie solaire est un appel, qui vise moins à économiser l’énergie qu’à redécouvrir la manière de vivre au soleil. Réapprendre les éléments naturels, se réinsérer dans le milieu, telles sont les aspirations profondes.
Tenir compte de l’environnement signifie, au sens strict du terme, mieux « situer » l’habitat. Sans recourir à l’alibi du folklore ou à un pastiche de l’héritage culturel, il est possible de lutter contre les stéréotypes imposés par une société centralisée ou une industrie répétitive. Cela implique – le ministre de l’Environnement et du Cadre de vie, M. d’Ornano, l’a rappelé – que l’on renonce à celles des normes qui poussent au stéréotype inutile2. Cela nécessite aussi que le public, coupé de ses racines traditionnelles, prenne conscience de sa situation géographique actuelle ; qu’il affirme, au-delà de la référence à son passé, une volonté d’identité culturelle pour l’avenir.
Au niveau de l’implantation, l’habitat devrait s’insérer plus harmonieusement dans le paysage. Et non pas seulement dans le paysage perçu, mais dans le paysage vécu, créé et entretenu par les hommes. Cela demande de la tendresse. Il faut aussi éviter – et je l’ai déjà dit en 1975, au Symposium sur le défi à la qualité organisé par l’AFCIQ-AFNOR – que, dans l’architecture contemporaine, on utilise, partout, de la même manière, les mêmes produits. Il est possible d’être plus exigeant pour les nouveaux quartiers ou les nouveaux ensembles des villes. Il est possible – et ce serait utile – de réviser le cahier des charges des lotissements qui vont se développer avec, le pourcentage croissant en France, de maisons individuelles. Il est également possible de s’attacher à l’habitat dispersé ; par exemple en n’autorisant les constructions isolées qu’indépendantes de tout réseau de voirie payé par la collectivité. La prolifération non contrôlée des réseaux ou la création de réseaux nouveaux pour la desserte de quelques habitations isolées constitue une nuisance évidente. Le scénario de l’habitat autonome est intéressant, même s’il ne doit pas être absolu (autarcie complète) ; il permettrait, de plus, à la France de tester chez elle une formule exportable à l’étranger : énergie solaire, éolienne, traitement des ordures, etc.
Il s’agit enfin de mieux utiliser les ressources disponibles. Devant la floraison actuelle des possibilités de construction, il serait intéressant, à ce point de vue, d’orienter l’offre et la demande vers les matériaux qui représentent une agression minimum pour l’environnement et un moindre coût pour l’économie régionale ou locale.
La construction devrait faire l’objet d’une comptabilité patrimoniale, faisant apparaître la somme d’énergie, de matières, d’espace et de travail consommée. L’examen des constructions actuelles ferait ressortir des différences considérables (sans doute de 1 à 3) entre les techniques du point de vue de la consommation d’énergie. L’étude d’impact mettrait également en évidence des disparités importantes dans la tenue des chantiers ou dans la brutalisation de l’environnement en fonction des matériaux utilisés. Le Plan-Construction va d’ailleurs s’attacher en 1979 à étudier une nouvelle stratégie des matériaux en l’examinant du point de vue de leur « bon usage ».
Durée de vie et évolution
La gestion de l’habitat peut, elle aussi, bénéficier des enseignements de l’écologie. Tout comme la création, la gestion peut être plus ou moins dispendieuse en travail, en énergie et en ressources. Un entretien régulier et différencié joue un rôle considérable pour prévenir l’apparition de ruptures, de chocs, qui amèneraient à sortir des rythmes biologiques. Est-il nécessaire actuellement d’édicter des normes de bonne gestion ? On peut penser qu’un investissement éducatif serait préférable et plus efficace à cet égard. Il y a 20 ans, les Français ont suivi des séances de pédagogie d’entretien de l’habitat, organisées par l’administration américaine. Il sera peut-être utile, en tout état de cause, de jeter les bases de cette pédagogie à l’usage des populations de plus en plus déracinées par rapport à leur environnement naturel ou construit.
Suite inéluctable de sa création et de sa gestion, la mort de l’habitat doit, aujourd’hui, être regardée en face. L’homme moderne redoute, comme pour lui-même, de considérer cette mort que les générations antérieures avaient pourtant introduite dans la conception de leur demeure. Une politique plus écologique de l’habitat demande, en tout cas, que l’on réintroduise la notion de la durée, le souci de l’évolution, la stratégie de l’obsolescence. Il n’y a aucune raison pour que la formule « investissez dans la pierre qui dure » tienne lieu de raisonnement passe-partout. L’habitat de demain doit être conçu en fonction d’une évolution infiniment plus rapide qu’à l’époque, plus statique, des générations qui nous ont précédées. C’est le temps de l’inattendu qui commence et non pas le « temps du monde fini » de Valéry. La grande difficulté, pour nos planificateurs sera de réduire le temps, toujours plus long, que demande l’élaboration d’un système urbain, pour accroître la marge de liberté des habitants dont il est difficile, à l’heure actuelle, d’évaluer le style de vie ou les désirs. Sur le plan personnel et familial, d’ailleurs, les unités d’habitation sont, elles aussi, restées beaucoup trop rigides. L’évolution du cycle de la vie familiale, en particulier, imposerait une flexibilité bien plus grande des immeubles collectifs, voire de la maison individuelle. La technique le permet ; les règlements pourraient être revus.
Cette réflexion sur l’habitat-coquille devrait être transposée au niveau du système urbain tout entier. Une attitude plus biologique à l’égard du cadre bâti exige de penser non seulement à l’avenir à long terme du bâtiment, après sa durée d’utilisation, mais à la prospective de la ville. Nos bâtisseurs construisent aujourd’hui, pour l’indéterminé. Si l’on veut éviter de léguer des contraintes aux générations à venir, ne faudrait-il pas lutter contre ce flou dans l’horizon de la construction ? Mis à part les monuments conçus pour traverser l’histoire, toutes les constructions ne sont pas bâties pour l’éternité. Musset, déjà en 1834, se plaignait de ce que « nos générations n’ont pas su imprimer à leurs villes la marque de leur temps ; elles ne vivent que de restes et des legs des générations antérieures ».
Ne faudrait-il pas moduler davantage les constructions et les systèmes urbains en fonction de la durée qu’on leur assigne, et non pas seulement de la résistance des matériaux ? La création de centrales nucléaires, dont la durée de vie technico-économique est relativement connue, offre une bonne occasion, à ce point de vue ; l’étude de la durée des matériaux, en fonction d’une obsolescence calculée, constitue un axe de recherche nouveau qui ne devrait pas être négligé. La longévité de la résidence secondaire n’est-elle pas, elle aussi, à revoir, afin de permettre, par exemple, à l’Europe latine de redécouvrir le bois, largement utilisé dans ce domaine par les pays scandinaves. Il ne faut pas, même au niveau du vocabulaire, dénigrer le béton et l’opposer systématiquement à l’arbre, mais choisir tantôt le béton, tantôt la pierre, tantôt le bois, en fonction des possibilités et des besoins.
Aller dans le sens d’une plus grande attention à l’écologie, c’est répondre, dans nos pays européens, au souci d’un espace plus restreint, de la réduction des pollutions, du ménagement des espaces naturels de plus en plus recherchés. Mais, c’est aussi un moyen de répondre à des rationalités économiques encore trop peu mises en lumière (comptabilité patrimoniale, économie d’énergie et de matières premières). C’est aussi une orientation pédagogique qui peut conduire les habitants des sociétés occidentales, trop enclins à se libérer de toutes les fluctuations écologiques ou climatiques par exemple, à retrouver le sens des éléments naturels et de leur vie. C’est, enfin, une attitude qui devrait être au premier plan des préoccupations de tous les exportateurs de villes, de logements ou d’éléments de construction, vers les pays du tiers monde, en particulier, afin que leurs produits soient bien adaptés au terrain où ils devront prendre racine.

* Courrier de la normalisation, no 263, XI-XII, 1978, p. 422-425. Serge Antoine est chef de la mission des études et de la recherche, ministère de l’Environnement et du Cadre de vie.
1. La Charte de la Qualité de la vie prévoit le doublement en 10 ans.
2. Colloque « Urbanisme et libertés », Paris, octobre 1978.

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Danielle Poliautre Maire-adjoint de Lille, chargée du développement durable sur Serge Antoine

Journée d’hommage à Serge Antoine le 4 octobre 2006

La dernière fois que j’ai vu Serge Antoine, c’était lors des dix ans du Comité 21. J’étais assise près de lui parce que, souvent, nous bavardions quand nous nous rencontrions, j’appréciais beaucoup. Il était affaibli, mais pas amoindri et toujours dans une joyeuse combativité. J’ai été vraiment surprise, quelques mois plus tard, quand Anne-Marie Sacquet m’a annoncé son décès. J’ai d’ailleurs envoyé un petit mot qui résume un certain nombre de sentiments que j’avais dans cette relation avec Serge Antoine que j’ai découvert plus tard ainsi que nombre d’entre vous.
Je disais : « C’est avec beaucoup de peine que je viens de prendre connaissance de la disparition de Serge. Je le considérais un peu comme mon père spirituel du développement durable et j’avais toujours avec lui beaucoup de complicité. Par-delà sa réflexion qui ouvrait toujours les questions et les possibles, sa gentillesse et sa modestie en faisaient un vrai pédagogue, un sage qui contribue à nous construire. »
J’avais souhaité transmettre le message à sa famille et j’ai eu une réponse de son fils, Emmanuel Antoine, que je connaissais sans avoir jamais fait le lien avec Serge que j’avais connu un certain nombre d’années auparavant. Nous n’avions pas eu l’occasion d’en parler.
J’ai commencé à découvrir Serge Antoine lors de la préparation de Rio. À l’époque, j’étais – comme on dit, dans la société civile – animatrice d’un collectif de préparation de la conférence de Rio, participant d’ailleurs aussi à un collectif national animé, à l’époque, par Patrick Legrand, de France nature environnement, le collectif « Environnement et développement international ». C’est donc à cette occasion que je l’ai rencontré et, au fur et à mesure des années, puisque le développement durable est aussi pour moi un combat très important, je l’ai croisé de plus en plus souvent, de plus en plus régulièrement, dans ce qui a été l’évolution à travers la constitution de réseaux, les réseaux nationaux (Comité 21, 4D) mais aussi des réseaux européens, voire internationaux, auxquels d’ailleurs la France participe encore trop faiblement.
C’est vrai que j’avais toujours avec lui une relation presque filiale. Pour moi, il était un peu celui qui m’apportait une tranquillité dans la réflexion et, en même temps, l’ouvrait très fortement. Ce lien s’est fait aussi beaucoup sur mon histoire, parce qu’il appréciait beaucoup la place de la société civile, et l’importance de la démocratie, pas seulement parmi les élus et les administrations qui évidemment ont un rôle important, mais aussi à travers le rôle de chacun pour apporter le meilleur de lui-même dans cette recherche d’un nouveau développement durable et solidaire dans cette coconstruction qui est en cours et, encore aujourd’hui, trop faible.
Depuis 2001, je suis adjointe au développement durable dans l’équipe de Martine Aubry. J’avais participé à l’animation et l’élaboration d’un Agenda 21 lillois qui a été signé en 2000, et Serge était très attentif à ce qui se passait à Lille et le suivait avec beaucoup d’intérêt. Les collectivités locales sont devenues, depuis quinze ans, parmi les acteurs les plus actifs dans la mise en œuvre du développement durable. Elles sont les premiers maillons du territoire, au plus près des citoyens, pouvant au mieux peut-être les impliquer non seulement dans la compréhension des enjeux, mais aussi dans leur rôle, dans ce que l’on appelle aujourd’hui la nouvelle gouvernance. Cette notion, auprès des citoyens, de solidarité dans le temps et dans l’espace qui est constituante du développement durable, au-delà de la démocratie, était très forte chez Serge. Nous avons parlé tout à l’heure de la prospective, et non de la prospective en tant qu’étude, mais bien de la façon d’inscrire le court terme dans le long terme. Et nous savons combien aujourd’hui, notamment autour des questions de la ville durable, ces questions sont importantes. À Lille, nous travaillons sur des notions d’éco-quartiers, dans le cadre du renouvellement urbain. Comme le dit Martine Aubry : « Comment construire un nouvel art de vivre ensemble ? » Selon moi, cette notion de solidarité dans le temps, avec les générations futures, est extrêmement importante. La difficulté est de savoir comment concilier démocratie, inscrire le temps de la démocratie, avec l’urgence des réponses à apporter. Dans les villes, nous avons de vraies questions concrètes à traiter, et comment avoir les moyens de construire la ville durable en impliquant fortement les citoyens ?
Cette notion de temps est donc une question forte, comme celle de la solidarité dans l’espace. Là aussi, c’était quelque chose de très important pour Serge, notamment avec cette notion d’empreinte écologique. À Lille, nous menons une étude pour analyser flux, matière, énergie pour voir ce que nous prélevons sur d’autres territoires. Nous savons que 20 % de la population mondiale consomme 80 % des ressources et nous ne pourrons pas continuer, si nous voulons un développement durable, à consommer sur nos territoires sans penser à l’évolution des autres territoires, qu’ils soient autour de nous, dans les intercommunalités, mais aussi à l’échelon mondial.
Ces deux notions de solidarité dans le temps et l’espace étaient des notions très fortes et nous avions eu l’occasion d’en parler, notamment dans le réseau de la francophonie, puisque j’étais avec lui à Beyrouth en 2001. Cela conciliait pour lui, encore une fois, deux notions importantes : celle de la citoyenneté, d’ouverture au monde, et cet aspect de la culture.
Je finirais sur un des derniers aspects qui m’a beaucoup émue chez Serge Antoine. Nous étions à Paris dans une préparation de l’Agenda 21 parisien et j’ai annoncé que Lille, qui a été capitale européenne de la culture en 2004, avait intégré un volet consacré à la culture dans son Agenda 21. On aurait dit qu’il savourait un bon gâteau ou un bon vin, d’une manière gourmande ! Il était très joyeux, il avait beaucoup apprécié. On peut toujours avoir le débat pour savoir si la culture est un pilier supplémentaire ou si c’est le tout, on parle de « culture de développement durable ». Selon moi, nous sommes dans un carrefour de changement de civilisation et effectivement, tout cela est très culturel et il avait, là encore, peut-être anticipé.
L’intérêt de Serge Antoine est qu’il savait être dans la pratique quotidienne, sur le changement de comportements avec des citoyens, mais il savait aussi être critique dans les différents niveaux d’organisation de la société. Je suis aussi tout à fait d’accord sur l’idée qu’il est essentiel que les citoyens changent de comportement, l’écocitoyenneté est une notion importante, mais on ne peut pas seulement renvoyer aux citoyens les changements qui appellent aussi des changements aux différentes échelles, depuis notre territoire local jusqu’au territoire national, européen ou mondial. Ceux qui ont des responsabilités importantes doivent aussi être cohérents, nous ne pouvons pas continuer à demander aux citoyens de la cohérence si les pouvoirs publics, en tant que tels, ne montrent pas cet exemple de cohérence. À quelques jours de la « Journée sans voitures », quand on pense que l’on continue à construire des infrastructures qui sont des appels d’air pour le développement de la voiture, je pense qu’il faut que l’on montre aux citoyens que la cohérence ce n’est pas seulement au niveau de leur vie quotidienne, mais qu’il y a des responsabilités à prendre.
Pour terminer, je saluerais l’homme. En effet, tout ce qu’il a fait a été largement présenté, mais je saluerais l’humaniste. Parce que le développement durable, finalement, c’est croire en l’homme, en sa capacité d’organiser l’intelligence collective. Je le dis souvent, mais selon moi, la ressource la plus renouvelable, la plus abondante et peut-être la moins bien utilisée c’est l’intelligence humaine, l’intelligence collective ; comment cette intelligence collective va être mobilisée, appelée, il y a là un gros challenge et c’était vraiment au cœur de ce que pensait Serge Antoine.
Il était aussi un intellectuel, et combien de pistes intéressantes a-t-il ouvertes et qui, heureusement, se sont aussi concrétisées.
Mais il était également un militant joyeux. En effet, quand on parle de développement durable, on parle de problèmes, mais lui parlait de solutions, avec beaucoup de joie, de passion. C’est bien d’avoir de l’espérance à vingt ans, mais quand on arrive en fin de vie et qu’on continue à transmettre l’espérance dans le futur, l’espérance d’un avenir futur commun qui peut être plus durable et plus solidaire, je crois qu’il nous a laissé là un beau message.
J’espère, en tout cas, que sa trace sera indélébile et que tout ce qu’il a suscité et permis de mettre en place trouvera des prolongements et des amplifications. C’est tout ce que je souhaite.

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Christian Garnier Vice-président de France nature environnement sur Serge Antoine

Journée d’hommage à Serge Antoine le 4 octobre 2006

Serge Antoine aurait certainement été amusé et c’est une espèce de clin d’œil qu’Anne-Marie Sacquet et moi-même nous retrouvions parmi les derniers participants de cette réunion. En effet, finalement, nous avons la place qui nous revient, celle des agitateurs, de ceux qui essayent de brasser les idées dans la société civile et qui ont permis, comme l’a dit Madame la ministre, à ce ministère même d’exister, et avec qui Serge Antoine a su tisser les liens qui font qu’aujourd’hui, nous sommes de ce côté-ci alors que vous êtes de ce côté-là. L’inverse aurait pu être vrai pour nombre d’entre vous.
Avant le ministère de l’Environnement, avant même le rapport Armand dont Serge Antoine a bien voulu tirer un petit coup de chapeau amical aux auteurs, il y a eu une vie pour l’environnement, notamment ces années 1960 qui ont été la genèse de l’environnement. Pour ma part, à l’aube des années 1960, à la fin des années 1950, j’avais envie de trouver un métier dans la protection de la nature et je ne savais pas encore que je voulais travailler dans l’environnement. Aujourd’hui, je suis professeur dans une école d’architecture qui a créé, depuis déjà deux décennies, le premier pôle « architecture-environnement-développement durable » en France. Ceci m’aurait peut-être permis de recroiser Serge Antoine parce que j’ignorais, à l’époque où avec mes étudiants, dans les années 1973-1974, nous étions en train de remettre la Bièvre à ciel ouvert dans Paris sur l’îlot Poliveau qu’il avait cette passion pour son territoire, sous cette forme-là.
Pour ma part, j’ai fréquenté les milieux qui portaient cette pensée à l’époque, les milieux scientifiques, le service de conservation de la nature du muséum et bien d’autres, mais aussi les associations qui allaient former ce qui devait devenir la Fédération que j’ai l’honneur de vice-présider, France nature environnement, le réseau territorial profond de la protection de la nature et de l’environnement dans ce pays. Avec une poignée d’amis, j’ai eu la chance, en mars 1964, de fonder le centre interdisciplinaire de socio-écologie. Évidemment, quand la nouvelle est arrivée jusque sur les bureaux de la Datar, quand nous sommes entrés en relation par l’intermédiaire du Muséum national d’histoire naturelle, le tissu associatif qui portait l’environnement à l’époque dont personne ne parlait puisque ce mot n’existait même pas dans la langue française, a très vite retrouvé le chemin de tous les pionniers, notamment au sein de l’administration. Sur ce point, je ne vais pas refaire le récit de ce qu’a fait Serge Antoine.
Pour avoir pu participer aux fameuses journées de Lurs qui ont été ce bouillonnement extraordinaire qui a été le moment où la politique de l’environnement a commencé à s’écrire dans le paysage français médiatique et institutionnel, j’ai pu mesurer les nombreuses qualités de Serge Antoine, et je vais en souligner quelques-unes parce qu’aujourd’hui, elles sont en danger dans la société internationale et dans la société française. Nous ne vivons plus du tout dans le même monde que celui où nous vivions à l’époque de ces années 1960-1970.
Ce qui était tout à fait extraordinaire chez Serge Antoine c’était son immense curiosité, le fait de s’intéresser beaucoup aux jeunes, et l’âge moyen de cette salle, auquel je participe aussi, fait que c’est une interrogation importante et ce, même si beaucoup de jeunes s’investissent dans des associations de terrain. À cette époque, nous avons aussi énormément apprécié l’impertinence institutionnelle de Serge Antoine, et sa capacité à parler des choses difficiles, ce que l’on évacue bien souvent dans le débat social et politique. Je ne reviens pas sur son intérêt, sur la diversité et le respect qu’il portait aux personnes, mais il ne se contentait pas d’écouter, il intégrait. Il était à l’écoute au sens le plus profond du terme, et c’était un extraordinaire alambic du développement durable, en ce sens qu’il nourrissait beaucoup les autres et il savait énormément se nourrir des autres en les écoutant. Par rapport aux questions de politique d’environnement, de développement durable et de vie en société, c’est un message tout à fait important. Il avait l’intelligence des bons compromis, le sens de la transversalité, il savait comprendre l’équilibre entre ménager et aménager le territoire. J’ai fait un mémoire d’ingénieur, dans les années 1960, sur le thème de l’agriculture citadine et la colère d’Orsay me rappelle qu’il avait apporté sa vision des choses à propos des projets d’Orsay.
Je ne vais pas reprendre tous les messages importants qu’il me paraît devoir être repris et portés par nous dans la société et sur la scène publique, mais il y a une chose dont nous avons assez souvent parlé avec Serge, notamment dans sa petite voiture qui le ramenait des très nombreux réunions et colloques où nous avions l’occasion de nous croiser, à savoir que la société française oppose un certain nombre d’obstacles structurels profonds à la dynamique du développement durable, même s’il y a des gens formidables qui font des choses formidables. Je n’ai pas le temps de développer, mais je crois qu’il va falloir poser les questions qui seront très difficiles à résoudre dans notre société et qui n’existent pas dans d’autres sociétés européennes qui ont leurs propres problèmes selon leur identité et leur histoire. Serge était très conscient de ces problèmes structurels et cela ne le rendait pas toujours gai.
Je garde aussi en mémoire son amitié pour les francs tireurs, son goût du risque et sa confiance. Il se trouve que dans l’équipe de Maurice Strong et de Marc Nerfin qui préparaient la conférence de Stockholm, j’étais en charge du premier document sur les dimensions socioculturelles des politiques de l’environnement. Pendant qu’Ignacy Sachs, avec son équipe, travaillait sur « environnement et développement », une autre équipe dont je m’occupais travaillait sur cette dimension. Ce rapport soulevait quelques questions difficiles sur la dimension culturelle, notamment sur les minorités et la question de leur prise en compte. Nous avons vu les dictatures les plus dures de la planète à l’époque se lever ensemble pour que nous retirions des passages de ce rapport introductif, d’une part l’empire soviétique, d’autre part la dictature des généraux brésiliens. Serge Antoine, évidemment, est venu à la rescousse, a fait de la diplomatie. Nous pouvions compter sur son soutien, non seulement pour faire de beaux discours sur la diversité culturelle, mais aussi pour s’affronter aux problèmes réellement durs et difficiles.
Il a aussi – ce qui pour nous, associatifs et professionnels, représente un intérêt certain – fait preuve d’un engagement personnel. Il l’a fait en tant que professionnel, mais aussi en tant que citoyen, avec beaucoup de bonne humeur et un sens de toutes les difficultés du monde. Je me souviens avoir visité avec lui quelques banderoles comme celles qui se promenaient sur le pont de Galata en 1996 quand il y a eu la grande manifestation au moment de la conférence « Habitat II » sur les questions de droit au logement pour tous.
Je n’ai jamais pu vraiment l’interviewer sur cela, mais je crois que Serge Antoine avait une certaine sympathie pour un terme lancé lors d’une conférence internationale à Barcelone en 1991, autour de cette Méditerranée qui lui était chère, de « développement durable et désirable ». Par rapport à une vision culturelle, solidaire et chaleureuse, c’était sa conception du développement durable.

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Anne-Marie Sacquet Directrice générale du Comité 21 sur Serge Antoine

Journée d’hommage à Serge Antoine le 4 octobre 2006

Chère Aline, chers amis, chers adhérents,

Je vais évoquer le grand privilège, le grand bonheur que j’ai eu à travailler quotidiennement avec Serge pendant dix ans, à partager avec lui les enthousiasmes, les utopies toujours concrètes, les avancées que nous pouvions constater au Comité 21 et ailleurs, et aussi souvent les indignations.
C’est vrai que Serge était quelqu’un de très optimiste et résolument tourné vers l’avenir et l’action, ce qui permettait de renouveler en permanence l’énergie qu’il transmettait à tous les partenaires et acteurs qu’il savait mobiliser. Mais il manifestait aussi, de plus en plus, son indignation par rapport à un certain nombre de ruptures qui n’arrivent pas à se produire dans ce pays. Je crois d’ailleurs que l’une des raisons pour lesquelles il était si attaché à la démocratie participative est qu’il était profondément convaincu que les changements allaient pouvoir s’opérer quand, véritablement, les contre-pouvoirs citoyens seraient en mesure de jouer leur rôle, et notamment de bousculer un certain nombre d’inerties qui font que, malgré les constats que vous avez faits, malgré l’adhésion sur le constat que nous pouvons faire depuis maintenant quarante ans – nous l’avons vu ce matin à travers toute l’évocation des rencontres et de l’effervescence qui s’est construite sous l’impulsion de Serge, sur l’urgence des changements à opérer – ces changements ne seront vraiment opérables que si l’avenir appartient aux citoyens. Cela suppose que le citoyen soit écouté, mobilisé, mais aussi qu’il puisse bénéficier d’une véritable pédagogie des enjeux d’une part, et d’une véritable participation au choix d’autre part.
Depuis une dizaine d’années, Serge a beaucoup travaillé là-dessus et a transmis vigoureusement cette volonté de faire en sorte, de toute urgence, que le germe du développement durable et du changement se transmette, de plus en plus, dans le tissu français, c’est-à-dire chez les gens, chez les citoyens, à travers des relais bien sûr. Il était évidemment très content à chaque fois qu’un nouveau relais apparaissait, une association, un centre d’études, un comité de quartier. Quel que soit le relais, il était fondamental pour que la germination puisse se poursuivre et pour que cette prise de pouvoir des citoyens, de la société, contribue à rendre concrets tous ces changements qui sont plébiscités par tous, notamment cette prise en compte du long terme qui lui était si chère.
Ce que j’ai vu au Comité 21 avec lui, et les travaux sur lesquels nous avons beaucoup investi, c’était essentiellement la rencontre fructueuse entre l’ensemble des adhérents du Comité 21. Je crois que c’est le principal héritage qu’il nous laisse. À la création du Comité 21, il y avait une centaine d’adhérents, essentiellement des grandes entreprises, les premières qui s’investissaient à l’époque dans des réseaux du développement durable. C’étaient plutôt les secteurs pétrole, chimie, énergie. Il y avait aussi évidemment des collectivités territoriales, des associations et, au fil de ces années, et au fil des thèmes que nous abordions dans nos groupes de travail (le commerce international, l’alimentation, les énergies, les modes de concertation, etc.), Serge a réussi à insuffler, au sein de ces réseaux, l’envie, l’appétit de travailler ensemble. Il a distillé cette pédagogie de l’action collective et de la concertation d’une manière tout à fait discrète, en filigrane, mais avec une grande détermination. Il a appris aux entreprises à reconnaître le besoin d’expertise du monde associatif et la capacité des associations à prendre la mesure des attentes de la société, et à les porter bien sûr. Il a appris aux associations à passer du conflit à l’espace d’échange et d’écoute des attentes, des besoins, des blocages et à construire, peu à peu, des espaces de réflexion commune. Il a appris aux collectivités à démultiplier leurs espaces de pouvoir et d’échange avec tous les acteurs présents sur les territoires.
C’est un héritage extrêmement important parce que, face à un pessimisme que l’on peut parfois constater ici ou là, y compris chez nous sur certains sujets, nous pouvons nous dire qu’aujourd’hui, il y a au Comité 21, mais aussi dans tous les réseaux qu’il a construits ou semés, cette culture de la concertation et de l’action collective. C’est l’un des plus gros héritages qu’il nous laisse.
Il n’a eu de cesse de distiller cette culture, à la fois au sein du conseil d’administration où il a continuellement instauré un climat de dialogue réciproque, dans tous les groupes de travail, mais aussi au sein de l’équipe. Il était capable de consacrer une demi-journée d’échange avec un stagiaire qui venait d’arriver pour passer six mois au Comité 21. Pour lui, toute personne capable de porter le développement durable, d’apporter une partie des réponses, de transmettre cette envie, cet appétit de progrès était déterminant. Je crois que, pour nous, c’est ce qu’il est important de garantir, de transmettre, de disséminer. Il parlait souvent des acteurs non légitimes : alors bien sûr, il faut rassembler l’ensemble des acteurs, articuler les politiques de l’État, des instances internationales, des collectivités, des entreprises, des associations, mais il disait : « Attention, il y a des gens illégitimes qui ont aussi le droit à la parole, illégitimes parce que non reconnus, non représentés, mais ils constituent pourtant la force vive et aussi un des éléments des réponses concernant les changements à opérer. » C’est la raison pour laquelle il était si attaché à la diversité culturelle qui, pour lui, dépassait de loin l’exercice de la pratique culturelle, mais faisait référence à un énorme besoin de réformer les cerveaux, de manière à ce que nous soyons capables précisément de nous projeter dans l’avenir, ensemble, sans avoir de phénomène de culpabilisation à outrance vers les uns ou les autres, de se projeter vers l’avenir et de pouvoir s’appuyer sur des modes d’intervention, des expertises très complémentaires allant depuis l’agriculture paysanne jusqu’aux prospectivistes dont nous avons parlé précédemment. Pour lui, cette diversité culturelle était la condition sine qua non pour mobiliser une société apte à adopter ces changements et surtout en mesure d’exprimer ses désirs, ses attentes.
C’est un mot qui revenait souvent, y compris quand il parlait d’évaluation et de la nécessité de l’évaluation, de la pratique quotidienne de l’évaluation. Il regrettait que les indicateurs développés, tant au niveau national qu’européen, y compris ceux développés par la Commission du développement durable, n’intègrent pas d’indicateurs d’envie. Évidemment, ce ne sont pas des indicateurs quantitatifs, et il n’est pas évident d’évaluer l’envie, mais nous pouvons peut-être approcher ce chemin. Il a tenté de le faire, notamment en participant à des groupes locaux, régionaux, au sein de groupes de pilotage d’Agendas 21, de discussions dans les régions entre des consommateurs, des élus régionaux, des agriculteurs, des artisans, des commerçants. C’est peut-être cela les indicateurs d’envie, à savoir la capacité de mobiliser la population, les générations présentes, passées et futures et, autour de cela, d’être capable de faire émerger l’ambition de porter des changements, ceux qui seront si difficiles à mener au niveau national ou international. Il l’a souvent dit, je ne reviendrai donc pas là-dessus.
L’une de ses grandes joies récentes, parmi les nombreuses actions que nous avons pu mener ensemble, a été le lancement des réseaux d’Agendas 21 scolaires en France. Aujourd’hui, sur le territoire, il y a environ 200 démarches d’Agenda 21 d’établissements, de l’école primaire au campus. Serge jubilait totalement de l’émergence de ces démarches, et surtout, constat important, il jubilait de l’appétit manifesté par les jeunes à toutes ces échelles, par les communautés éducatives, y compris par les enseignants. Lors de la première réunion du groupe « éducation au développement durable », nous étions totalement sidérés parce qu’il y avait autour de la table des proviseurs, des responsables d’académie, des jeunes, des collectivités, des villes, des régions, des fondations d’entreprises, des responsables de l’Éducation nationale. Ce sont avant tout les enseignants qui ont manifesté le désir de ne plus être coupés de la société, d’apporter leur part à ces mutations qui s’imposent à tous, individuellement et collectivement. Je crois que la principale qualité de Serge était de désamorcer les handicaps, les peurs, de dialoguer avec l’autre, de donner à chacun sa légitimité, de lui permettre d’entrer dans l’action, de le faire avec d’autres parce qu’il y a un projet commun, un désir commun qui s’exprime. Dans ce cadre, toutes les inquiétudes, les inhibitions, après tout, peuvent se lever. En effet, quand on se sent engagé dans un projet avec d’autres et soutenu par d’autres, on est prêt peut-être à bousculer des montagnes. Selon moi, c’est la raison pour laquelle, la décentralisation, la démocratie participative et l’ancrage des Agendas 21 locaux, départementaux, régionaux étaient des ambitions très chères à Serge. C’est quand tout le corps social réagit que nous pouvons espérer aborder des changements significatifs, des changements qui nous permettront de résoudre tous les enjeux dont nous parlons depuis ce matin.
Au-delà de cette ambition forte d’organiser la germination, la contagion, le plus possible dans toutes les composantes de la société, il avait tout de même, de temps en temps, des colères. Je reviens à l’Éducation nationale, cette fois, pour être moins positive. Il regrettait la frilosité de l’apprentissage ou des processus opératoires de l’apprentissage des citoyens à ce qu’est le monde d’aujourd’hui. Nous manquons d’apprentissage des processus économiques dans les cursus de l’Éducation nationale, et il y a aussi une faiblesse de la pédagogie de la nature, du vivant, de la vie tout simplement. Il en parlait souvent, notamment lorsque nous évoquions la question de l’alimentation, un sujet sur lequel nous travaillons depuis deux ans maintenant. Là encore, il disait combien il était important de recadrer les pratiques alimentaires dans les pratiques culturelles, combien il était important de faire ressurgir le vivant et une articulation « désartificialisée » du consommateur par rapport à son alimentation, ce qui conduit bien évidemment, quand on déroule toute la pelote comme il le faisait pour tout sujet qu’il abordait, à traiter aussi des modes de production agricole, des maintiens de culture et d’artisanat et d’une relation directe des citoyens à l’agriculture et à l’aménagement des paysages.
Voici quelques-uns des messages que je souhaitais vous transmettre. Bien entendu, le Comité 21 mettra tous les moyens en œuvre pour perpétuer cet héritage. Nous le ferons avec tous nos adhérents, mais aussi avec d’autres, avec tous ceux qui le souhaitent. Je voudrais tout de même dire qu’il y a quelques germes qui sont construits et qui constituent autant d’acquis dès que les gens se les sont appropriés. Je crois qu’il faut poursuivre sur la voie des Agendas 21 scolaires et la renforcer encore, notamment avec l’ensemble des réseaux que nous constituons. Serge rêvait, depuis quelques années aussi, que nous mettions en place un réseau des Agendas 21 francophones. Je me tourne là vers Habib, je crois que nous sommes sur le point d’aboutir. Je pense qu’il n’est pas inutile que se tissent des liens entre des villes des cinq continents et des villes qui partagent une culture du développement durable telle que vous avez pu la porter au sein du monde francophone.
Avec l’Euro-Méditerranée de l’Agenda 21, un réseau commence à se construire. Le président du Comité 21 algérien en parlait ce matin, nous sommes maintenant jumelés avec la coordination italienne des Agendas 21 locaux, avec le réseau catalan des villes durables. Nous tissons des liens avec le Comité 21 algérien, et bientôt marocain. Je vous invite aussi à rejoindre cet effort de constituer des réseaux, non pas du bas vers le haut, mais des réseaux de collectivités et de citoyens qui partagent leurs outils, qui mutualisent leurs objectifs et leur désir de développement durable en Europe et en Méditerranée.

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Bernard Glass Ancien directeur du Plan bleu sur Serge Antoine

Journée d’hommage à Serge Antoine le 4 octobre 2006

Parler de Serge Antoine et du Plan bleu pour la Méditerranée, après que Mohamed Ennabli ait situé l’éminent rôle de Serge sur le champ de l’international méditerranéen, m’amène à faire état, d’une façon personnalisée, des liens entre un haut fonctionnaire atypique et une institution originale, dont il est le père fondateur, tout deux œuvrant pour un meilleur avenir des Méditerranéens.
Passionné par le travail de Serge à la Datar pour l’émergence d’une politique française de l’environnement je me suis retrouvé, jeune fonctionnaire, au premier ministère chargé de l’Environnement. Bien qu’en Alsace, comme délégué régional, j’ai eu l’occasion de travailler avec Serge dans la commission Delmon sur « la participation des Français à l’amélioration du cadre de vie » ; puis de le revoir sur le terrain au Parc national des Pyrénées et, vers Noël 1978, de parcourir avec son épouse Aline, un de ses fils et des amis, le Haut-Atlas marocain.
Nommé DDAF des Alpes-Maritimes je l’ai perdu de vue une dizaine d’années. Jusqu’en 1989 où un coup de téléphone de Serge m’a confirmé la mémoire impressionnante de son carnet d’adresses : « Glass ce serait bien si tu t’intéressais au Plan bleu ! » Je connaissais vaguement cet organisme car le préfet m’avait demandé mon avis sur son rapport de 1989 intitulé « Le Plan bleu : avenirs du Bassin méditerranéen ». Je trouvais l’ouvrage intéressant au plan des études prospectives mais éloigné des préoccupations concrètes des acteurs du terrain dont j’étais. D’où ma réponse à Serge : « Les études j’ai déjà donné. Je préfère me consacrer à l’inspection générale de l’Environnement. Ma réponse pour le Plan bleu est non. »
Sans acter ma position il m’a suggéré de rencontrer Michel Batisse, le président du Plan bleu, qui m’a convaincu de m’impliquer pour un quart de mon temps pour diriger l’équipe du Plan bleu à Sophia-Antipolis. Très rapidement le temps partiel est devenu pratiquement un temps plein surtout parce qu’en toile de fond le binôme Antoine-Batisse m’a stimulé pour relancer le Plan bleu menacé de disparition par les parties contractantes à la Convention de Barcelone qui considéraient que l’exercice, donc l’organisme, Plan bleu s’est achevé par la publication du rapport du même nom !
Au fil des années notre complicité a permis d’étoffer et de redynamiser l’équipe pour amener les pays riverains et l’Union européenne à confier au Plan bleu de nouvelles fonctions dont celle de l’Observatoire méditerranéen pour l’environnement et le développement.
Sous l’impulsion de Serge, le Plan d’action pour la Méditerranée a conforté les propositions du Plan bleu pour renforcer la composante terrestre de ses activités car la qualité de la mer est tributaire de celle d’un développement durable des États côtiers.
Je garde ainsi le souvenir d’un Serge omniprésent au Plan bleu, même retraité, pour conseiller, activer, orienter avec beaucoup d’exigence mais toujours avec le sourire. Pour lui le Plan bleu représentait la quintessence de ses convictions et de ses engagements environnementaux : la prospective et l’approche systémique pour éclairer les décisions des instances internationales, nationales et locales et pour mobiliser la société civile méditerranéenne, au-delà des risques géopolitiques, en faveur d’un développement durable du « berceau des civilisations ».
Une anecdote confirme sa forte motivation pour créer le Plan bleu en 1977 lors de la réunion des parties contractantes en Croatie de l’ex-Yougoslavie. Quand le mandat du Plan bleu, axé sur les relations à long terme entre environnement et développement, était débattu, les autorités yougoslaves voulaient que ce mandat soit intégré à celui d’un centre, le leur, prévu à Split et chargé du programme des actions prioritaires. Selon elles il était logique de lier la réflexion en amont et l’action en aval. Serge a passé une nuit blanche avec Mostafa Tolba, directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement, pour mettre au point l’argumentaire inverse et faire créer le Centre d’activités régionales-Plan bleu, hébergé par la France et chargé de réfléchir aux futurs de la région méditerranéenne.
Durant une trentaine d’années Serge s’est consacré, entre autres, au Plan bleu en veillant notamment à lui faire jouer un rôle majeur à la Commission méditerranéenne du développement durable instaurée en 1994. Jusqu’à ses derniers instants il est resté en contact avec l’équipe du Plan bleu. Il a veillé à la continuité de l’institution avec la publication du deuxième grand rapport en 2005 : Méditerranée. Les perspectives du Plan bleu sur l’environnement et le développement et avec la nomination de Lucien Chabason comme président succédant à Michel Batisse, décédé en 2004. Aujourd’hui, un nouveau directeur, Henri-Luc Thibault, a en charge l’héritage et le futur du Plan bleu qui doit tant à Serge dont les mots clés demeurent : prospective, aménagement du territoire, environnement, développement durable du local au global et réciproquement.
À travers mon expérience et mes relations avec Serge au Plan bleu mon opinion sur lui, avec le respect et l’amitié que je lui dois, peut se résumer ainsi : un très grand serviteur de la cause environnementale ne supportant ni la routine, ni le cloisonnement institutionnel et capable d’imaginer et de créer ce que l’orthodoxie administrative ne permettait pas, pour être efficace.
En me référant au message d’adieu à Michel Batisse de Frederico Mayor, ancien directeur général de l’Unesco, je dirai que Serge Antoine fait partie de ceux qui, comme les étoiles, continuent à émettre de la lumière même quand ils ont disparu.

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Paloma Agrasot WWF, Bureau de politique européenne (European Policy Office) sur Serge Antoine

Journée d’hommage à Serge Antoine le 4 octobre 2006

Je voudrais féliciter et remercier les organisateurs d’avoir pris cette initiative. Je ne sais pas si c’est possible, mais en écoutant tout cela, on admire encore plus Serge Antoine. C’est vraiment une journée magnifique !
En préparant mon témoignage, j’ai retrouvé un livre de Serge Antoine : Méditerranée 21 : 21 pays pour le XXIe siècle. Développement durable et environnement. C’est un petit livre que Serge a fait en 1995, qu’il a dédicacé à tous ceux qui, en Méditerranée, dans les 21 pays riverains, militent pour que le sommet de Rio se cultive et que les fleurs du XXIe siècle soient dans les graines d’aujourd’hui. Cette dédicace est très belle et vraiment en rapport avec le thème d’aujourd’hui : Serge Antoine, semeur d’avenirs, et il faut croire qu’il aimait semer. Dans l’exemplaire que Serge m’a donné, il a fait une dédicace avec son écriture si caractéristique qui disait : « À Paloma, que son cœur européen porte sur la Méditerranée… » Je trouve que ces deux mots clés « Europe » et « Méditerranée » résument très bien la collaboration que j’ai eu la chance et l’honneur d’avoir avec Serge Antoine.
J’ai connu Serge Antoine au début des années 1990 grâce à Geneviève Verbrugge et je l’en remercie. J’étais au bureau européen de l’Environnement et je commençais à suivre la politique européenne en Méditerranée, au temps de la Charte de Nicosie qui promettait beaucoup mais qui n’a pas réussi. Nous avons commencé, avec Serge Antoine, à partager sur les projets, des idées, le lobbying – Serge était un lobbyiste incroyable – et ainsi, nous avons toujours continué. Je suis passée au WWF, mais la collaboration s’est poursuivie.
Pour revenir sur ce livre, j’ai une anecdote. En effet, Serge l’a fait en 1995. Il tenait vraiment à le faire, il m’a dit : « Quoi ! Les ONG, vous ne faites rien cette année sur la Méditerranée. – Non, pas à ma connaissance. – Je vais le faire parce que c’est une année charnière, il faut que cela se fasse. » Je pense qu’il a fait cela en une ou deux semaines. C’était assez fou, il l’a édité, l’a publié, l’a écrit. Pourquoi une année charnière ? Parce que, comme l’a dit Monsieur Ennabli, c’était l’année de la révision de la convention de Barcelone, c’était un moment important pour la Commission méditerranéenne de développement durable (CMDD), c’était l’année où la déclaration de Barcelone qui marquait le départ de l’Euro-Méditerranée a été signée.
Serge Antoine croyait fermement que les initiatives de l’Union européenne et celles des Nations unies devaient être plus complémentaires et plus cohérentes, et non concurrentes comme beaucoup d’autres le pensaient. Serge avait une vision très positive de la politique européenne et pensait qu’en influençant et en intégrant plus l’environnement et le développement durable, cela ferait du bien à la Méditerranée.
Serge croyait aussi très fermement au rôle des sociétés civiles. Au dos de son livre, il dit :
Le bassin méditerranéen appelle la mise en œuvre solidaire d’un développement durable porté par ses sociétés civiles.
Vraiment, il l’a mis en pratique et plusieurs orateurs l’ont dit aujourd’hui. Au niveau de la Méditerranée, Serge étant un lobbyiste terrible, il appuyait toutes nos idées et nos batailles pour intégrer l’environnement dans la politique européenne, il nous donnait des idées. Il est allé jusqu’à participer à des forums civils euro-méditerranéens sur l’environnement que nous avions organisés (Stuttgart, Marseille, etc.). Il est venu à Bruxelles pour une table ronde au Parlement européen où nous souhaitions mettre en avant la stratégie méditerranéenne de développement durable, et convaincre l’Union européenne que c’était quelque chose qu’elle devait intégrer. Comme cela a été dit, il a vraiment fait tout cela avec simplicité et humilité. Il se mêlait aux ONG, participait aux groupes pour donner ses idées.
Depuis les années 1990, personnellement, j’ai eu la chance de pouvoir monter des projets avec lui. Un projet lui tenait particulièrement à cœur : la création d’une maison de la Méditerranée à Bruxelles. Je ne sais pas s’il en a parlé, moi pas trop tant que ce n’était pas signé. Il y avait les anciens bâtiments de l’école vétérinaire, près de la Gare du Midi à Bruxelles. Cela faisait rénovation urbaine, tout ce qu’il aimait. Dans cette enceinte, il y aurait eu un éco-centre, l’administration de l’Environnement et une petite maison que nous pouvions avoir pour faire une Maison de la Méditerranée et du développement durable. Nous aurions pu y associer les populations maghrébines du quartier, les ONG, les missions, les ambassades. C’était vraiment une superbe idée qui n’a pas abouti pour des raisons politiques bruxelloises. C’est dommage, et c’est vraiment quelque chose que nous pourrions imaginer, à l’avenir, d’une autre manière.
Pour terminer, je voudrais rappeler que Serge Antoine était quelqu’un d’optimiste. Plusieurs l’ont dit, il le dit lui-même dans son livre. J’insiste beaucoup sur ce livre parce que je crois que c’est un peu son testament sur la Méditerranée et le développement durable. Il était optimiste, mais quand j’ai parlé avec lui, au début de cette année, il était très déçu et très sombre. Il m’a dit : « La Méditerranée va mal. » À ce moment-là, comme je suis optimiste aussi, je lui ai répondu : « Non ! D’ailleurs, il y a une nouvelle initiative de l’Union européenne pour la dépollution de la Méditerranée. Justement, un texte est soumis à consultation publique. » Cela l’a vraiment remis sur pieds et il a dit : « Envoyez-moi ce texte, je vais vous donner des commentaires. » En fait, j’aurais dû avoir ses commentaires, mais cela n’a pas été possible.
Je suis optimiste, mais je reconnais que beaucoup de choses vont mal. Il y a eu la crise libanaise, cet été, la pollution par les hydrocarbures, mais malgré tout, si Serge Antoine était encore là, j’aurais vraiment aimé partager avec lui toute une série de perspectives qui s’ouvrent maintenant au niveau de la Méditerranée et de la politique européenne. La Commission européenne vient de publier une stratégie environnementale pour la Méditerranée qui comprend un calendrier d’actions, un programme « Horizon 2020 » qui devrait rassembler l’Union européenne, les Nations unies, le PNUE, les ONG, la Banque mondiale. Serge serait très heureux de voir que l’Union européenne et le PNUE vont travailler de plus en plus ensemble, que le PNUE va agir comme agence d’implémentation de la stratégie marine et de « Horizon 2020 ». Il y a des perspectives telles que la nouvelle politique de l’Union européenne pour la Méditerranée qui est la politique de voisinage qui a une composante, en théorie, environnementale et d’appui à la société civile très importante. J’aurais voulu commenter ces perspectives avec Serge.
Il reste beaucoup de choses à faire, beaucoup d’efforts pour que tout cela parte dans la bonne direction, mais je pense que nous serons guidés par tout ce que Serge Antoine a fait et que nous pourrons réussir quelque chose de bien, tous ensemble.

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