« Discours de clôture des 10 ans du Comité 21 », 24 novembre 2005

Auteur : Serge Antoine

Source : Comité 21  2005

Cher Éric, chère Anne-Marie, chère équipe, cher François Gourdon, mon successeur, et d’abord à vous, chers amis, merci d’être venus non pour écouter mais pour donner. J’ai retenu que donner était plus important que le reste. L’amitié est le don, et vous êtes en train de donner, vous êtes en train de vous engager à donner.
Mes mots sur le passé seront très brefs. Je voudrais simplement dire notre reconnaissance à tous. J’ai effectivement « fondé » ce Comité 21, mais je dois tout à trois femmes : Simone Veil, Huguette Bouchardeau et Bettina Laville, qui nous a fait l’amitié de venir aujourd’hui. On leur doit tout après le Sommet de Rio qui donnait lui aussi, mais il fallait récolter.
En fait, je me suis trompé. Il faut toujours reconnaître ses fautes. Mon premier ministre de l’Environnement, Poujade, m’avait demandé ce qu’était l’environnement, parce que son expérience était légèrement plus courte que la mienne. Je lui avais répondu que c’était une guerre de Trente Ans. Je me suis « mis le doigt dans l’œil », car les trente ans sont passés et le combat continu…
Je voudrais vous donner un seul mot, non pour cette clôture mais pour ce passage : persévérer. Ce qui m’irrite le plus, c’est d’entendre encore parfois des gens dire que c’est une mode et qu’elle passera, comme la productivité. Les mots ne meurent pas. J’en ai fait l’expérience. Je n’ai aucun attachement aux mots « développement durable » que j’ai critiqués avec Brice Lalonde dès le premier jour, mais on ne peut pas lutter contre les choses.
Le développement durable n’est pas une mode qui va passer. J’ai travaillé, pendant plus de trente ans, avec des mots comme « l’aménagement du territoire », « l’environnement » et « le développement durable » dont on disait qu’ils étaient racoleurs. Je peux dire qu’ils racolent bien, qu’ils continuent à vivre et à devoir s’enrichir. C’est important.
Le développement durable ne fait que commencer et se « sévériser ». Ce que nous avons entendu aujourd’hui n’est rassurant ni pour la planète ni pour les inégalités… Ces mots vont s’enrichir. Mon souhait serait qu’on les décline encore davantage sur le mode social et sociétal. Cela a été dit ici et je voudrais joindre ma voix à ceux qui le disent.
Je voudrais aussi dire que le développement durable va devoir s’enrichir de la dimension culturelle, non celle des beaux-arts, mais celle que nous portons en nous, avec les valeurs, les espérances, l’éthique et les comportements que nous avons à assumer. « Les culturels » du développement durable viennent de gagner une belle bataille à l’Unesco. Cent cinquante et un pays ont introduit fortement cette dimension culturelle dans le développement durable.
Je remercie infiniment toute l’équipe, c’est-à-dire vous tous, d’avoir basculé de la célébration vers la responsabilisation et l’engagement. Vingt sommets ont été ratés, parce qu’on assiste à des déclarations. Je vous remercie tous, à votre manière, à votre rythme, de l’avoir fait non comme un modèle mais comme une envie, une ambition. Certes, nous portons tous des ambitions plus grandes que celles que nous pouvons assumer. Le Comité 21 serait certainement le premier à recevoir l’impossible si le mot n’était pas décliné d’une autre manière.
Notre premier ministre, Poujade, parlait de « ministère de l’impossible ». Nous sommes tous ici pour l’impossible, mais l’impossible que nous pouvons changer. C’est important. Merci d’avoir transformé cette célébration en engagements. Merci d’être fidèles à ce qu’on nomme, en France, « Y aller en marchant ». Ce proverbe est, me semble-t-il, lorrain, mais assumons tous les proverbes, quelle que soit leur province, pour en prendre le meilleur.
Le développement durable n’est pas un état. Il est un devenir. En ce sens, nous pouvons nous donner rendez-vous sans ambition démesurée et pas seulement dans dix ans mais dès demain, dès après-demain, pour regarder le bilan de l’évaluation à laquelle nous sommes tous attachés.
Voilà les vœux que je peux, cher Éric, donner, me donner, nous donner. La reconnaissance viendra toute seule, si j’ose dire. Elle viendra de l’Europe, si celle-ci bouge un peu plus, et il serait mieux d’avoir des partenaires qui bougent. Elle viendra de la planète, de cette gouvernance mondiale qui va finir, un jour, par se transformer. Elle viendra aussi des régions du monde. Je pense évidemment, et je ne pouvais pas ne pas penser, à la Méditerranée. Nous allons chercher cette reconnaissance, mais l’important est de la mériter.
Merci à tous d’avoir apporté un écho local, auquel je crois énormément, entrepreneurial, public et associatif, pour que nous puissions ensemble – c’est la devise du Comité 21 – faire progresser les choses qui, si nous ne le faisons pas, iront plus mal que ce que j’entendais il y a trente ans. Merci.

Serge Antoine (2005)
Président d’honneur du Comité 21

* Actes des 10 ans du Comité 21, Paris, Comité 21, 2006, p. 198.

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